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Le Conseil d’Etat vient de censurer la Cour Administrative d’Appel de Versailles qui avait jugé qu’un contrat de bail commercial qui avait notamment pour objet la transmission du bailleur au preneur d’un droit au bail sur des locaux dans lesquels s’exerçait une activité devait être regardé comme un transfert d’une partie autonome d’une entreprise au sens de l’article 257 bis du CGI.

La SARL LR a conclu en 2008 un contrat de bail commercial avec la Société CCD pour une durée de dix ans portant sur un local d’une surface de 108 m², qui était antérieurement occupé par la société NFD et où elle souhaitait exercer une activité de vente de vêtements.

Le contrat prévoyait, en sus d’un loyer annuel de 154 000 euros, un droit d’entrée de 600 000 euros hors taxe qui a été facturé, le jour de la prise d’effet du bail, avec la TVA correspondante. La société LR a déduit un montant de 117 600 euros correspondant à cette taxe sur sa déclaration du mois d’octobre 2008.

A la suite d’un contrôle, l’administration en a remis en cause la déductibilité et mis à la charge de la société le rappel de taxe correspondant. Par un jugement du 13 janvier 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société LR tendant à la décharge de ce rappel de taxe. Par un arrêt n°16VE00747 du 23 mars 2017, la CAA de Versailles a rejeté l’appel formé par la SARL LR contre ce jugement.

La société s’est pourvue en cassation contre l’arrêt de la CAA de Versailles.

Le Conseil d’Etat rappelle que « le droit d’entrée dû lors de la conclusion d’un bail commercial doit, en principe, être regardé comme un supplément de loyer qui constitue, avec le loyer lui-même, la contrepartie d’une opération unique de location, et qui est soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au même titre que celui-ci, et non comme une indemnité destinée à dédommager le bailleur d’un préjudice résultant de la dépréciation de son patrimoine. La seule circonstance que le bail commercial se traduise, pour le preneur, par la création d’un élément d’actif nouveau, compte tenu du droit au renouvellement du bail que celui-ci acquiert, ne suffit pas pour caractériser une telle dépréciation ».

Par suite, après avoir relevé, qu’aux termes de l’article 10 du contrat de bail conclu par la société Land River, le droit d’entrée due par cette dernière «  restera définitivement acquis au bailleur, dès la prise d’effet du bail, en contrepartie des avantages de la propriété commerciale conférée au preneur (…) » et en avoir déduit, par un motif non contesté en cassation, que ce droit d’entrée était stipulé pour tenir compte de la valeur des droits accordés au preneur en application des lois sur la propriété commerciale, la cour a commis une erreur de droit en se fondant sur la circonstance, inopérante, que la société avait porté en immobilisation l’acquisition d’un fonds de commerce pour un montant de 600000 euros, pour juger que le droit d’entrée litigieux ne constituait pas un supplément de loyer ».

Réglant l’affaire au fond le Conseil d’Etat considère au cas particulier que le droit d’entrée est un supplément de loyer qui constitue, avec le loyer lui-même, la contrepartie d’une opération unique de location, et qui est soumis à la TVA au même titre que celui-ci.

Elle estime qu’il résulte de l’interprétation que la CJUE a donnée du premier alinéa de l’article 19 de la directive 2006/112/CE dans son arrêt du 19 décembre 2018, Mailat e.a. (C-17/18), que la notion de « transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens » ne couvre pas l’opération par laquelle un bien immeuble qui servait à une exploitation commerciale est donné en location.

La haute juridiction en tire la conclusion que le droit d’entrée en litige est un supplément de loyer qui constitue, avec le loyer lui-même, la contrepartie d’une opération unique de location, il ne saurait bénéficier de la dispense de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l’article 257 bis du CGI.

Il en résulte que l’arrêt du 23 mars 2017 de la CAA de Versailles et le jugement du 13 janvier 2016 du TA de Cergy-Pontoise sont annulés.

Arrêt du Conseil d’État, du 15 février 2019, n°410796